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La valeur d’une entreprise est-elle vraiment 5 X le BAIIA?

  • Writer: Maxime Lévesque, Adm.A, CBV/EEE
    Maxime Lévesque, Adm.A, CBV/EEE
  • Mar 6
  • 4 min read

Updated: Mar 7


Une vieille légende du monde des affaires prétend qu’il suffit de multiplier par cinq le BAIIA[1] pour obtenir la valeur d’une entreprise.


BAIIA × 5 = valeur de l’entreprise. Magique, non?


Mais est-ce vraiment réaliste?


Pour commencer, le BAIIA est certes un bon indicateur de performance. Mais l’idée de toujours multiplier ce chiffre par cinq pour estimer la valeur d’une entreprise… disons que c’est un peu comme croire que toutes les pizzas coûtent 20 $ : ça dépend de la garniture (et de combien de truffes elle contient).


Voyons cela avec trois petits exemples.


Exemple 1 : Compagnies de transport


Deux entreprises de transport génèrent chacune 1 million de dollars en BAIIA et présentent un risque d’affaires comparable :


  • Beaucamion Inc. possède une flotte de camions neufs.

  • Pasbeaucamion Inc. roule avec une flotte vieillissante, nécessitant un remplacement coûteux.


Allez-vous vraiment payer 5 millions pour Pasbeaucamion Inc., sachant que son parc de camions va nécessiter un investissement colossal sous peu?


À ce stade, multiplier par cinq semble aussi prudent que d’acheter une voiture d’occasion sans regarder sous le capot.


Exemple 2 : Entreprises de services


Deux sociétés accumulent chacune 500 000 dollars de BAIIA dans le même secteur, avec un risque d’affaires similaire :


  • Dreamteam Inc. s’appuie sur une solide équipe de direction et ne dépend pas d’une seule personne.

  • Onemanshow Inc. est littéralement une entreprise « One man show », dont le propriétaire n’a jamais pu prendre de vacances, au risque de tout faire s’écrouler.


Payeriez-vous 2,5 millions pour Onemanshow Inc.?

Pas sûr. La prochaine fois qu’il voudra se reposer, la valeur de l’entreprise pourrait bien s’écrouler avec lui.


Exemple 3 : Entreprises manufacturières

Deux entreprises manufacturières dans le même domaine font chacune 300 000 dollars de BAIIA:


  • Groscarnetdecommandes Inc. profite de carnets de commandes prévisibles, grâce à des contrats à long terme et récurrents.

  • Petitcarnetdecommandes Inc. ne jouit d’aucune récurrence ni de contrats à long terme.


Les deux valent-elles vraiment 1,5 million chacune? Pas vraiment. La première inspire confiance, la seconde un peu moins (ou beaucoup moins, si vous n’aimez pas les surprises).


Moralité : le BAIIA ne dit pas tout

Ces exemples montrent bien que multiplier « bêtement » le BAIIA par cinq est rarement une bonne idée.


Pourquoi? Parce que ce chiffre ne prend pas en compte plusieurs éléments cruciaux :


  • Les impôts (personne n’y échappe, sauf peut-être votre riche voisin aux îles Caïmans).

  • Les investissements nécessaires (CAPEX).

  • La valeur des immobilisations (votre immeuble vaut peut-être plus que votre entreprise, qui sait?).

  • Un BAIIA exempt d’élément non récurrent et non représentatif.

 

Voici deux cas concrets pour illustrer le problème du dernier exemple :


Cas 1 : Immeuble ou loyer


  • Société A détient son immeuble, donc elle affiche un amortissement.

  • Société B, locataire, a une charge de loyer.

 

Résultat? Le BAIIA de Société A semble plus élevé… mais cela ne signifie pas qu’elle est plus rentable.

 

Cas 2 : Salaire ou dividendes?


  • Le propriétaire de Société A se paie en dividendes, ce qui gonfle artificiellement le BAIIA.

  • Celui de Société B, lui, préfère un salaire, ce qui réduit son BAIIA.

 

Moralité? Le BAIIA est un indicateur, pas une vérité absolue.


Alors, comment évaluer une entreprise?


L’Institut canadien des experts en évaluation d’entreprises (ICEEE) propose un arbre décisionnel pour choisir la bonne méthode de valorisation en fonction de la situation de l’entreprise.

 

[2] Diagramme : L’Institut canadien des experts en évaluation d’entreprises.

 

En pratique, l’une des approches les plus courantes, en contexte d’entreprise mature et continuité d’exploitation, est celle « fondée sur les flux de trésorerie ». Pour obtenir un flux de trésorerie représentatif, on calcule :


  1. Le BAIIA (pondéré sur les exercices considérés représentatifs)

  2. ± Les ajustements nécessaires pour le normaliser

  3. Moins l’impôt sur les bénéfices

  4. Moins le réinvestissement annuel en immobilisations (en tenant compte des protections fiscales)


Le résultat ainsi obtenu représente le flux de trésorerie sur lequel on pourra appliquer un multiple.


Quel multiple utiliser?


Pour déterminer votre multiple, il faut considérer :


  • Le taux sans risque

  • La prime de risque sur l’équité

  • La prime de risque de l’industrie

  • La prime de risque liée à la taille

  • La prime de risque spécifique à l’entreprise

  • Le coût d’emprunt

  • Le taux d’impôt

  • La structure de capital

  • Le taux de croissance à long terme


Ces facteurs permettent à l’évaluateur de calculer un taux de rendement (par exemple, 5 %, 20 % ou 40 %).


De ce taux découle un multiple (soit 1 ÷ taux), qui peut se situer à 20x, 5x ou 2,5x le flux de trésorerie, et non le BAIIA. Et chaque entreprise aura son multiple unique, déterminé selon ses réalités spécifiques.

 

 

Conclusion : oubliez les formules magiques!


La règle du « 5 fois le BAIIA » n’est ni universelle, ni magique. En fait, elle est souvent trompeuse. Si vous voulez évaluer une entreprise correctement, il n’y a pas de raccourci : il faut prendre en compte sa réalité, ses risques, et ses perspectives.

Bref, valoriser une entreprise, c’est comme juger un bon vin : ça demande du temps, du savoir-faire et un peu de bon sens. Alors, la prochaine fois qu’on vous propose une formule miracle, demandez-vous : « Est-ce que ce n’est pas un peu trop beau pour être vrai? »


[1] Bénéfice Avant Intérêts, Impôts et Amortissements


 

 
 
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